CREMOC-Université Paris XI - Colloque internet

Intervention de M.Jean-Michel Yolin, 16 décembre 1998

Les PME et la Mondialisation

"Que faire quand les portent s'ouvrent ?" on sait bien qu’une porte ouverte ça permet de sortir mais c’est aussi un facteur de courants d’air : si on peut aller à l'extérieur il y en a d’autres qui peuvent pénétrer chez vous,cette ouverture est à la fois une opportunité, mais c'est aussi le risque de voir arriver des concurrents sur le marché domestique.

Aussi la première question que l’on peut être amené à se poser est de savoir s’il y a encore de la place pour les PMI ou pour les PME avec la mondialisation de l'économie car la première conséquence, la plus évidente de cette mondialisation est un accroissement considérable de la compétition.

Dans cette compétition il faut être de plus en plus gros pour être de plus en plus puissant, comme les banques, ou, pour être capable de financer du "branding" comme Coca-Cola (qui investit chaque année plusieurs milliards de dollars de publicité), ou pour financer la Recherche comme dans la pharmacie, ou pour financer des investissements lourds comme dans la sidérurgie.

Et il suffit d’acheter le journal : Il n’y a pas une journée, notamment dans ces derniers mois, qui s’écoule sans des méga-fusions en milliards ou dizaines de milliards de dollars.

Deuxième contrainte de la compétition : il faut être plus innovant, plus flexible, plus réactif et là je dirais que c’est une règle quasiment de sciences naturelles, cela nécessite d'être petit.

On en déduit une loi (qui s’applique dans tous les domaines des organisations, que ce soit économiques ou politiques), qui s’appelle la règle de la subsidiarité : "il ne faut jamais faire dans une grande structure ce qu’on peut faire dans une petite". Si les deux peuvent faire la même chose c’est toujours la petite qui gagne.

Alors, ceci se traduit à côté de toutes ces fusions que nous évoquions par ce qu’on appelle de l’out sourcing, ou de la sous-traitance : toute une série de mouvements qui font que les grandes entreprises se recentrent sur les activités qui impliquent une taille importante et sous-traitent tout le reste.

Ceci est le premier élément qui donne un espace tout à fait important, pour les PME dans l'économie de demain (par exemple Renault fabriquait les deux tiers de son chiffre d’affaire il y a dix ou quinze ans, aujourd’hui ce n’est plus que le tiers).

(notons pour mémoire que les grandes entreprises s’organisent de plus en plus comme un réseau de PME voire par exemple Vivendi où il y a 1800 filiales à l’intérieur du groupe)

Second élément : il y a un certain nombre d’activités qui nécessitent un peu de recherche mais pas beaucoup, comme dans le domaine de l’informatique, qui nécessitent un peu d’investissement mais pas beaucoup, comme dans la sous-traitance mécanique, qui nécessitent un peu de branding mais pas beaucoup comme un grand cru de Bordeaux,

tous ces métiers là sont de plus en plus, soit développés par des PMI soit même, quand ils ont été intégrés dans des grands groupes, "externalisés", autre mot qu’on entend souvent, c’est-à-dire que le grand groupe dit "c’est pas mon métier, je n'y serai jamais compétitif, je donne les clés au directeur de l'usine"; et tout le monde en général s’en porte mieux…

Nous notons une évolution extraordinairement rapide des structures, où chacun est beaucoup plus compétitif sur ce qu’il fait, car chacun se recentre sur son métier.

Mais toute la clé de la compétitivité finale se retrouve alors au niveau des interfaces parce qu’on augmente considérablement la longueur des chaînes de production. On passe d’un grand groupe au sous-traitant puis au sous-traitant du sous-traitant…… puisque chacun des gros sous-traitants lui-même sous-traite.

 on s'oriente vers un tissu de plus en plus complexe où il faut en même temps tenir des délais de plus en plus serrés, assurer la qualité tout au long de la chaîne, être capable de répondre au client pour conduire des projets de façon très réactive par rapport au marché et le tout avec des coûts très serrés.

 tout l’enjeu de la compétitivité se retrouve dans ce que j’appellerais la "productivité d’interface" dans la qualité et l’efficacité, du relationnel entre les différents acteurs tant à l’intérieur des entreprises qu’entre les entreprises.

L'importance de l' Internet c’est d'être l’outil qui permet de faire cela. C’est à la fois lui qui nous contraint à le faire, c'est lui qui permet de le faire.

Le mot " tissu industriel"  a vraiment un sens : la qualité, l'efficacité des relations entre les "nœuds" ( les entreprises) .est aussi importante que l'efficacité de chacun des nœuds ;

    on pourra citer l'exemple d'un secteur professionnel (comme la mode française). Mais ce peut être également des communautés à base géographique comme par exemple les lunettes à MORET dans le Jura (opticiens, plasturgistes, traitement de surface, design, emballage, visserie, …).
    A l'inverse, il y a des communautés professionnelles qui quadrillent le territoire, (Relais et Châteaux, ou des fleuristes),.
    Egalement une forme de communauté extrêmement intéressante, c'est celle des communautés de chantier, comme celle des chantiers d'HLM d'ORLEANS avec en fait trois communautés qui se sont emboîtées, celle de la conception du chantier, celle de la conduite du chantier et celle de l'après-chantier, où ce sont des acteurs différents mais au sein desquels et au travers desquels transitent toute une série d'informations qui sont produites à l'échelon précédent et utilisées par l'échelon suivant.

Je voudrais dire un mot au passage sur l'apparente contradiction entre globalisation et solidarités locales. Certes Internet destructure un certain nombre de grosses organisations, mais il faut bien voir qu'à l'inverse il a une force de structuration locale extrêmement puissante. En effet, pour qu'un réseau soit efficace sur le plan international, (ce qui passe par la promotion, le branding, etc…) il faut en même temps qu’au niveau local, (prenons l'exemple du Sentier dont nous sommes proches), il y ait des communautés qui travaillent efficacement : il n'est compétitif à l'international que par la qualité des relations entre chacun des acteurs : celui qui emballe, celui qui coupe, celui qui conçoit, celui qui fait les boutons, etc…

Donc on a un double mouvement qui est tout à la fois un renforcement des communautés industrielles, des tissus industriels régionaux et en même temps leur ouverture vers l’international.

Il ne faut surtout pas opposer le local à l’international paradoxalement ils se renforcent mutuellement.

Troisième élément qui redonne aux PME un atout très important, ce sont les communautés d’achats qui inversent complètement la relation de pouvoir entre l’acheteur et le vendeur. Je prends l’exemple des chirurgiens américains. Ils se sont fédérés dans une communauté et ils ont défini entre eux le matériel dont ils avaient vraiment besoin. A partir de là, comme ils savent exactement ce qu’ils veulent, ils peuvent mettre en compétition des fournisseurs pour faire fabriquer ce matériel. Vous voyez bien qu’il y a un changement total dans la localisation de la fonction marketing et RetD qui se situe beaucoup plus du côté de l’acheteur que du côté du producteur et que, du coup, au lieu que ce soit des très grandes entreprises qui s’adressent à 8000 clients, c’est un client global qui met en compétition une dizaine d’entreprises. Cette nouvelle configuration offre pour des entreprises qui ont une bonne technologie mais qui n'ont pas les moyens de financer le marketing nécessaire pour démarcher une communauté de 8000 professionnels de la santé, une nouvelle opportunité de développement.

Autre sujet d'interrogation pour certaines PME : avec Internet aura-t-on encore besoin d'intermédiaires. Bien souvent les PME jouent un rôle d’intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Or Internet permet une liaison extrêmement facile entre le producteur et le consommateur : à l’autre bout du monde vous trouvez celui qui a juste le produit que vous voulez. Donc on peut se demander si les intermédiaires n' ont pas vocation à disparaître.

Je dirais à la fois oui et non.

Oui ceux qui sont dans une logique de "péage" ont peu de chance de survivre. Cette logique de péage c’est une logique qu’on a énormément développée dans notre beau pays où le roi de France vendait des "charges" à des gens qui avaient une exclusivité pour accomplir une fonction et qui du coup avaient tendance à devenir relativement peu compétents, peu disponibles, assez chere puisque vous étiez obligé de passer par eux, il n’y avait aucune raison pour qu' ils fassent beaucoup d'efforts.

Les agents de change ont été l' exemple, je crois, le plus caricatural. Dès qu’on a ouvert la possibilité d'accès au métier ils ont quasiment tous disparu. Il y a bien d’autres professions dans ce cas mais je ne vais pas les citer par pudeur mais enfin vous pouvez facilement mettre un nom derrière les gens qui achètent le droit d’exercer un métier et à travers lesquelles on est obligé de passer. Il y a non seulement ceux qui sont administrativement des péages mais il y a ceux qui vivent encore peu ou prou dans cette tradition, je pense en particulier à une large partie du secteur de l’assurance et de la banque qui ont hérité de cette culture.

(Il ne faut pas oublier que les fermiers généraux, qui étaient à la fois des banquiers et collectaient l'impôt, achetaient leur ferme ou, si j'ose dire, ils ne cultivaient que de l’oseille).
Tous ces gens là s'ils n'ont pas déjà disparu vont disparaître très bientôt. Il risque d'y avoir des séismes de très grande magnitude.

Par contre, il y a deux fonctions qui, elles, vont se développer, ce sont les fonctions de conseil et les fonctions de confiance. Confiance, conseil. Pourquoi ?

Parce que le monde est de plus en plus complexe et on a besoin de gens qui vous aident notamment pour définir votre stratégie, pour vous positionner, pour trouver des partenaires, pour procéder à des achats de produits complexes, …

Deuxième élément, c’est la confiance parce qu’à partir du moment où vous avez trouvé un produit magnifique et pas cher, le problème est de savoir si celui qui vous le vend existe vraiment, ensuite si effectivement il va vous le livrer enfin, si vous vous n’allez pas avoir des ennuis sans fin en cas de désaccord commercial

de son côté le fournisseur va se poser la question de la solvabilité et de la bonne foi du client.

Donc il y a un énorme problème car il n'y a pas de commerce possible sans confiance. Quand vous étiez dans un petit village, vous saviez que quand vous alliez à la laiterie. Il y avait peut-être un petit d’eau dans le lait, mais que c’était moins cher, et que personne n’en était jamais mort, on savait à quoi s'en tenir. Tandis que quand on part dans le vaste monde on se voit offrir plein d’opportunités mais avec en contrepartie énormément de risques. Sur l'Internet nous avons besoin d'intermédiaires capables de nous certifier que le fournisseur existe que le produit est de qualité, que si vous n’êtes pas satisfait vous serez remboursé, que s’il y a un conflit il existe des méthodes d’arbitrage qui permettront d'obtenir dans un délai raisonnable et pour pas trop cher une décision arbitrale a priori honnête.

Tous ces mécanismes là qui sont les fondements de la confiance, sont des opportunités de nouveaux métiers, de nouvelles entreprises (ou de la reconversion d'anciennes). tous ces métiers là qui sont très nombreux vont se développer.

Je prends le métier d’éditeur par exemple. Qu’est-ce que c’est qu’un éditeur ? Jusqu’à présent c'était un intermédiaire entre l'auteur et le lecteur qui prenait un risque éditorial, c’est-à-dire qu’il disait " ce roman là devrait être lu, j’en imprime vingt mille ". S’il se trompe, il y en a dix-neuf mille qui vont au pilon. Donc il était amené à éliminer beaucoup. Aujourd’hui, la diffusion sur Internet ne coûte rien. Si on lui commande, il l’imprime à l'unité ça lui coûte 38 Francs. Il n’a pas de stock, il ne prend aucun risque.

C’est pas pour autant que le métier d’éditeur va disparaître mais il va profondément évoluer. Parce que si vous avez le choix entre des millions d’ouvrages vous êtes intéressé à ce que quelqu’un vous dise "je vous conseille plutôt celui-là. Donc, on va avoir de nouvelles fonctions qui vont se développer : le critique littéraire, le moteur de recherche, l’agent intelligent qui après six mois apprend vos goûts et pourra après vous proposer des lectures, l'animation de clubs de lecteurs, … Il y a là toute une série de métiers radicalement nouveaux où les PME ont évidemment un grand rôle à jouer car c’est pratiquement toujours des PME qui ont inventé des métiers radicalement nouveaux, même si certaines ne sont pas restées très longtemps des PME. Comme les américains disent "les gens qui font de l’Internet à côté d’autre chose ne sont jamais très bons". On est très bon dans une nouvelle approche que quand on ne fait que ça, rien que ça 24 heures sur 24 et des gens qui ne font que ça 24 heures sur 24 c’est en général une nouvelle entreprise qui se crée…

Un mot sur les entreprises de logistique. Evidemment parmi les intermédiaires il en est un qui va être profondément affecté par le développement du commerce électronique : la logistique : en effet tout n’est pas dématérialisable, il y a quand même une partie de choses qui se livrent in fine mais avec une spécificité nouvelle : les produits dont Internet génère le transport sont en général plus cher à l’unité mais sont vendus justement à l’unité. Le marketing one to one conduit à avoir beaucoup de petits paquets qui vont à l’autre bout du monde avec un besoin de délai, de sécurité, de suivi. Ce sont des opportunités, malheureusement pour l’instant saisies par des grosses entreprises américaines mais il y a toute une série de créneaux qui peuvent être pris par des PME à condition là encore de se rendre compte de l’évolution en cours. Il ne suffit pas d’être dans un bon créneau, encore faut-il être bon dans ce créneau.

Pour une PME il est clair après tout ce que je viens de développer qu'il faut aller sur internet et y aller, en plus c’est facile et pas cher.

Tout au moins ce n'est pas cher au premier degré et c’est facile au premier degré.

Si vous voulez une boutique sur le web aujourd’hui vous trouvez par exemple le Qube pour 990$. Avec 990$ vous avez un serveur Web, un serveur Intranet, un serveur de messagerie, une base SQL, un moteur de recherche, tout ça basé sur Linux. En plus la mise en œuvre est facile. On en a monté un en moins d’heure, il a deux prises, une prise téléphone, une prise 220 volts, vous branchez les deux prises, vous appuyez sur le bouton et ça démarre. C’est pas cher, facile à mettre en service. derrière, si vous voulez faire un catalogue, c'est l'affaire de quelques jours de travail seulement puisqu'il y a des modèles de boutiques préconfigurées, il suffit de coller les photos et les prix. Derrière il y a tous les mécanismes comme Kle-line (là c’est un peu plus cher) qui vous permet d’encaisser.

De plus, Internet, permet de surveiller les concurrents, d'avoir de nouveaux clients et de nouveaux marchés, il vous permet de trouver de nouveaux fournisseurs, de nouveaux collaborateurs, de trouver de nouveaux partenaires et d'épier les faits et gestes de vos concurrents.

Ouvrons une parenthèse pour ce qui concerne l'intelligence économique pour rappeler le principe d’Aimé Jacquet et le principe de la mini-jupe.

Quand on cherche de l’information on se met toujours dans la position du chasseur. Or il faut bien savoir que dans la jungle tout chasseur est un gibier qui s’ignore. Donc premier principe, celui d’Aimé Jacquet, pour gagner, la défense est aussi importante que l’attaque il faut cacher l'information efficacement.

Mais ce n'est pas si simple que ça parce que vous avez aussi besoin de donner des informations, parce que vous cherchez des clients mais vous cherchez éventuellement des actionnaires qui vont vous financer, ou des entreprises qui vont vous distribuer ou des partenaires avec qui vous allez passer des accords industriels et commerciaux donc vous devez montrer beaucoup de choses pour être attirant. D’où le principe de la mini-jupe : "il faut en montrer suffisamment pour attirer le chaland et pas trop pour cacher l’essentiel". Ensuite, on rentre dans un processus transactionnel, derrière la vitrine, on passe dans l’arrière-boutique, on s’assure que c’est bien un partenaire et pas un concurrent. On rentre dans un processus d'échange d'informations dans lequel on se dévoile mutuellement et progressivement en fonction de l’avancement du partenariat.

Internet permet aussi de faire des économies tout à fait considérables en matière de téléphone, de fax. C’est pas pour rien qu’Internet s’appelle "fax killer". Pour les gens qui exportent, de pouvoir transformer le coût des communications internationales en coûts de communications locales c’est évidemment tout à fait intéressant sans parler des coûts de gestion, je pense que vous avez dû en parler dans vos journées précédentes.

Mais alors avec tous ces avantages où est le problème ?

Eh bien il suffit d’imaginer que vous avez mis votre fromage sur votre site et vous avez une commande qui vient d’Afghanistan pour un camembert bien frais. Comment allez vous l’emballer ? Comment allez vous arriver à le livrer ? Comment allez vous régler les problèmes douaniers et sanitaires ? Quel est le règlement sanitaire en Afghanistan sur les camemberts au lait cru ? Tout le monde ne le sait pas. Quelles sont vos responsabilités ? Si votre client s’empoisonne en mangeant votre camembert, est-ce que vous allez être traîné devant les tribunaux ? Est-ce qu’une assurance accepte de vous couvrir ? Et puis comment allez vous être payés ? En monnaie locale sur un compte dans une banque locale, comment l’argent va-t-il finir dans votre portefeuille ? Et puis imaginez que vous ayez mille commandes, non plus une commande en Afghanistan mais mille de Fidji à New-York, et de cent autres pays, et qui bien entendu ne vont pas s'étaler régulièrement dans le temps : vous aurez beaucoup de difficultés pour apprécier si la montée des commandes n'est qu'un pic suivi d'une chute ou si c'est l'amorce d'un vrai décollage.

Donc vous aurez un problème de flexibilité, il faut que vos vaches soient capables d’assumer. Si elles n’assument pas il faut avoir des stocks. Donc il faut revoir l’outil de production, peut-être avoir plus de vaches, quitte à de temps en temps à vendre des steacks, et de temps en temps vendre des fromages

Vous avez donc derrière une évolution de vos besoins de fonds de roulement parce que tout ça n'est pas gratuit. Dans d'autres cas de figure (voir l'éditeur de tout à l'heure qui travaille sans stock), vous pouvez avoir besoin de moins de fonds de roulement, dans certains cas vous pouvez avoir besoin de plus de fonds de roulement mais il est rare que ce soit neutre par rapport à la structure financière de votre entreprise.

Et puis ce qui est vrai pour vous est aussi vrai pour tous vos sous-traitants, j’ai dit tout à l’heure qu’on travaille rarement seul, il faut que le fabricant de boîtes et d'étiquettes s'adaptent à cette flexibilité.

Et puis il y a le service après-vente, il faut savoir s'exprimer dans toutes les langues. Les gens qui vont vous poser des questions ne vous les poseront pas forcément dans un bon anglais, si tant est que vous avez appris à parler anglais.

Et puis comment vous allez faire avec vos distributeurs et vos commerciaux, parce que vous les court-circuitez complètement. Vous allez les mettre en porte à faux comment vous faites ?

Tout ça m’amène à conclure. Dans les NTIC il y a au moins deux lettre en trop, le T et le C. Internet c’est pas un problème technologique et quand on le prend par le bout technologique on a déjà tout faux. Internet ce n’est pas non plus un problème de "communication" au sens où l'entend une direction de la communication (je suis effrayé quand je vois que 48% des budgets Internet aujourd'hui sont gérés par les directions de la communication).

Internet c’est un défi stratégique. C’est un problème de patron d’entreprise, il doit repenser son entreprise pour tirer complètement partie de ce nouvel et très puissant outil qui devient le système nerveux de l'entreprise et l'outil transactionnel des relations interentreprises

et quand je dis stratégique, il ne faut surtout pas traduire stratégie par planification. C’est un grand défaut français, on dit c’est stratégique donc on fait un plan. On réunit un groupe de travail et on bâtit un schéma directeur et cinq ans plus tard on démarre un truc qui a cinq ans de retard. Il faut avoir l’humilité de se dire qu’on sait pas très bien où on va et quelles difficultés on va affronter.

Stratégique cela veut dire qu'on a une idée sur le cap, sur ce qu’on veut faire : est-ce qu’on veut se développer ? est-ce qu’on veut gagner en productivité ? quel marché on veut viser ?

Mais à partir de ces grands axes qui doivent être portés vraiment par le patron, il faut une énorme humilité et une très grande réactivité. C'est plus la Route du rhum que la construction d’une autoroute. On sait où on veut aller mais en face il y a des tempêtes, il y a un certain nombre de hasards de la mer, il y a aussi parfois des pirates ça peut arriver et vous ne prévoyez pas toujours les initiatives des concurrents.

Donc il faut s’adapter et tout le monde n’arrive pas à bon port. Il faut donc plutôt être un bon marin c’est-à-dire quelqu’un qui est humble, qui écoute, qui est réactif, qui a les techniques qui lui permettent de faire face à l’événement, et non quelqu’un qui dit "voilà le plan, nous avons largement réfléchi le cap est tracé, je me mets un bandeau sur les yeux et j’applique le plan ".

C’est une bonne raison pour laquelle les PMI, de ce côté là, marchent beaucoup mieux que les grandes entreprises.

Malheureusement dans les grandes structures trop souvent elles commencent d’abord par dire " qu'Internet c’est un problème de communication et font un "magnifique" site web promotionnel et puis ensuite quand il s'agit d'aller plus loin les informaticiens soucieux de maîtriser une évolution qui leur échappe essayent de la contrôler dans un cadre qu'ils connaissent bien : les "schémas directeurs" limitant au maximum toutes les initiatives des opérationnels, et finalement il ne se passe souvent pas grand chose.

Paradoxalement les entreprises les plus réactives que j'ai vues sont souvent des artisans, des gens qui ont utilisé Internet d'abord pour leurs besoins personnels et puis ils se disent " ce truc c’est rudement pratique. Si je m’en servais pour mon boulot ? " Ils ne se sont pas posé d’autres problèmes.

Ils ont commencé comme les américains, start simple, grow fast, do it now.